Éterlou

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Éterlou

Le jour se lève. Le soleil darde la falaise de ses premiers rayons orangés. Tout à coup nous sommes figés : ils sont deux, juste là en dessous. Elle, impériale, ne nous a pas encore repérés : certainement grâce à notre silence et au vent qui nous sont favorables. Lui, n’arrête pas de gambader autour de sa mère. Mais un autre, plus loin a dû donner l’alerte. S’engage alors une course folle dans la pente vertigineuse. Le cabri colle littéralement à sa mère : il calque instantanément la trajectoire, le saut, le virage, le freinage, la glissade qui lui sont tracés. Cinquante mètres plus bas, ils stoppent tous les trois à la distance respectable pour nous observer. Ils s’étonneront du volume de notre sac à dos, de notre souffle retenu et court, de notre vision réduite et lente à se focaliser sur l’horizon. Ils se diront que nous sommes les premiers récompensés et chanceux sur le sentier à l’aurore. L’air de rien, la tête dans le trèfle des Alpes, ils nous garderont à l’œil jusqu’à notre arrivée au sommet, alors que nous les avons déjà perdus de vue. Une histoire simple pour bien commencer la journée à l’improviste en prenant un peu de hauteur et de vertige. Pour repenser le sac à dos de ma vie alourdie par les choses futiles qui l’encombrent. Pour comprendre que je ne marche bien qu’accompagné, en gardant le rythme et la distance qui rendent possible la rencontre. Ce cabri de chamois des Alpes, éterlou l’an prochain, nous a toisés du haut de ses quatre mois. Sa mère le prépare déjà à son premier hiver. Belle et ensoleillée sera la journée.

Photo : phoque à rubans, Russie © Samuel Blanc

  1. J’ai eu le plaisir de vivre ce type de rencontre plusieurs fois, avec les chamois, ou les bouquetins, mais j’avoue qu’à cet instant, je n’ai pas »repenser le sac à dos de ma vie… »J’ai plutôt vécu l’émerveillement de cette nature sauvage, dans un décor de rêve, en souhaitant que cela reste possible longtemps !?! Surtout le jour où j’ai vu ces deux bouquetins au combat qui ne souciaient guère de ma présence-à peine à 20m- bien plus préoccupés par l’enjeu du territoire. Respect!

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