Tout se passe bien. Nous en sommes à l’Acte II scène IV, du « Bourgeois Gentilhomme » de Molière (1670). Notre petite troupe locale, composée d’amateurs autoproclamés comédiens fait encore salle comble au village. Il faut dire que le public nous est totalement acquis ! J’incarne le maître de philosophie qui étale sa science comme confiture sur sa tartine, s’échinant à apprendre les lettres de l’alphabet à son élève en échec, le Bourgeois Gentilhomme.
C’est alors qu’il se produit quelque chose…
Je suis en train d’expliquer le B.a-ba de l’orthographe dans cette réplique : « … Et là-dessus, j’ai à vous dire, que les lettres se divisent en voyelles ainsi appelées voyelles parce-qu’elles expriment les voix, et en ?… (silence interrogatif prévu par la mise en scène)… en ?» … « En voyou ! » me lance un enfant au premier rang dans la salle !…
S’en suit un grand moment de solitude, à se demander si les projecteurs eux-mêmes ne vont pas cligner des yeux. Un regard furtif vers Sylvain mon partenaire dans le rôle du Bourgeois Gentilhomme et vers Émilie, côté coulisses, qui s’apprête à rentrer en scène dans le rôle de Nicole, la servante… Puis la lumière me revient et avec elle mon texte pour enchaîner comme si de rien n’était : « En voyelles, et en… consonnes ainsi appelées consonnes parce-qu’elles sonnent avec les voyelles… ».
L’honneur est sauf ! Molière et l’orthographe également !
Je vous rassure, amis, à l’écoute de cette radio sérieuse sans être ennuyeuse : 350 ans après Molière, les lettres se divisent toujours en voyelles et en consonnes ! Et ce n’est pas un petit voyou, pourtant génial du premier rang, qui en changera quelque chose.
Voilà pourquoi j’aime la radio, et le théâtre.
Photo : renard Arctique au Svalbard © Samuel Blanc
Le Ba – ba devrait être remis à l’ordre du jour à l’école maternelle, et les classiques réappris au collège, c’est tellement beau, bravo Pierre d’interpréter encore ces personnages.