Au clair de lune

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Au clair de lune

Au moment de mettre le pied hors du lit -le pied du lit me mettant facilement hors de moi- je sens émerger une petite douleur irradiant mes deux douzaines de vertèbres dans le sens cervicalo-dorsalo-lombaire. Rien de grave ! Sinon qu’à chaque fois, elles réveillent en moi une histoire de clair de lune !
Avec l’ami Jean-Paul, nous sortons du cinéma. Un ciel de lune illumine les sommets de l’Oisans au point d’affûter notre appétit d’aventures alpines. Pourtant, et je le sais, il ne faut jamais écouter Jean-Paul ! En partant tout de suite, profitant de la luminosité nocturne exceptionnelle, et la fine poudreuse qui nous attend, nous devrions avoir le temps de faire la descente ouest du Grand-Serre avant de prendre le boulot au petit matin.
La montée est rapide tant il est vrai que l’on marche plus vite la nuit ; puis la descente délicieuse avec pour seule frontale le clair de lune, en sculptant derrière nous deux godilles parallèles à faire baver les étoiles du ski français. Soudain un nuage de poudreuse ; puis le grand silence suivi du rire d’outre-tombe de Jean-Paul, saint-Bernard à quatre pattes qui me dégage avec le fameux mot de passe matheysin : « tu as une saucisse dans la poche, tu es donc le premier repéré par le chien d’avalanche ! ».
Mes skis sont restés 30 mètres plus haut. Ils sont passés juste sous la clôture qui affleure le niveau de la neige, tandis que je choisissais, moi, de passer au-dessus ! Il s’en est donc fallu d’un fil…
Quarante ans après, mes 24 vertèbres en parlent encore ; et si vous l’avez remarqué, elles murmurent toujours dans votre dos !

Photo : Terre de la Reine Maude, Antarctique © Samuel Blanc

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