Désemparé

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Désemparé

Ce mardi matin, à l’heure où je me retrouve devant le micro, et avant une intervention annoncée par le palais de l’Élysée, je suis encore désemparé.
Désemparé. (é).
Je n’aurais pas dû regarder ces images désolantes samedi soir et qui n’en finissent jamais sur les Champs Élysées. Mais éteindre la télé suffit-il à éteindre la réalité ? Je ne m’autorise aucun commentaire sur le mouvement initié par les « gilets jaunes » : ce n’est pas mon propos ici, m’estimant non qualifié pour risquer une analyse pertinente en deux minutes sur le sujet.
Je constate simplement que la manifestation organisée -elle, et prévue de longue date- pour protester contre les violences faites aux femmes, n’a provoqué dans les rues, les ronds-points, le moindre désordre public ; ni toléré non plus que les casseurs dont il faudra bien se débarrasser en commençant par les condamner sans ambiguïté sur les plateaux télé avant qu’ils ne le soient un jour par la justice – puissent ternir jusqu’au motif légitime d’une manifestation.
Désemparer. (r).
Au dictionnaire, désemparer (avec un r), signifie aussi abandonner. Abandonner un endroit, une ville, une rue, une position. Désemparer un navire est le mettre hors service en le privant de ce qui est nécessaire à son bon fonctionnement. Désemparer c’est aussi démanteler. Allons-nous accepter longtemps de laisser ainsi désemparer notre espace et notre bien publics ? Allons-nous un jour enfin démanteler les casseurs eux-mêmes, tellement courageux qu’ils se masquent ?

Je me méfie surtout de ne pas tomber dans le piège de la provocation politicienne qui nous est tendu, consistant à monter les gens les uns contre les autres, et feindre du bout des lèvres et en bons faux-culs de condamner les fauteurs de trouble pour le cas où il y ait là quelques bulletins de vote à récupérer un jour ?
Désemparé, oui. Mais je n’ai aucune envie de désemparer l’espace de liberté que nos anciens ont conquis pour nous.

Photo : palais des glaces au Svalbard  ©  Marc Airiau – publié avec son amicale autorisation.

  1. Désemparé oui! c’est le bon mot Pierre et effectivement comme tu le dis si bien : »Mais je n’ai aucune envie de désemparer l’espace de liberté que nos anciens ont conquis pour nous. » Compliqué de s’expliquer de développer une analyse en quelque lignes je dirai simplement « si vous faites l’inventaire de ce que nos anciens ont conquis et regardez où nous en sommes à ce jour je dirai qu’il y a urgence pour conserver l’essentiel »

  2. On a bien du mal à rentrer dans ce XXIème siècle, individuellement d’abord parce qu’on a du mal à comprendre et à intégrer tout ce qui évolue autour de nous, toutes générations confondues et même si les niveaux d’attentes varient, et collectivement aussi parce que les mutations économiques et sociales engendrées créent des ruptures, des remises en cause, des changements, des adaptations, mais aussi des opportunités (soyons optimiste!) qu’on ignore ou refuse, et à propos desquels l’approche est (trop) corporatiste
    Alors…? Désemparé, oui! Mais, « ré-emparons-nous » de notre avenir. C’est notre liberté de se réapproprier des valeurs fondatrices qui peuvent donner un sens commun, sans s’arc-bouter sur le passé.

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