Il y aurait le grand soir et le petit matin ? Le premier serait grand et le second condamné à rester petit ?
Étant plutôt du matin – habitude de mon enfance-  j’estime quant à moi qu’un soir même grand  ne vaudra jamais un petit matin…
D’autant que, dites-moi, lorsque l’on voit au petit matin, le résultat de certains grands soirs…on peut se demander si on n’aurait pas du se coucher tôt !
Grand soir ! Diantre ! Ceux qui croient au grand soir, le préparent toujours au petit matin.
Laissez-moi le petit matin ! Quand l’aube s’excuse auprès de la nuit de prendre la relève, et auprès de ceux qui ont été contraints de la passer dehors.
Laissez-moi le petit matin ! Entendre s’éveiller le chœur de l’aube et ses poètes. Chœur de l’aube assuré par la grive musicienne soprano, le rouge-gorge alto, le pinson des arbres ténor rappelant à la chouette hulotte qu’elle ferait mieux d’aller se coucher si elle veut assurer le grand soir.
Laissez-moi le petit matin avec ses poètes, Léo Ferré, et ces drôles de types qui « sortent dans la rue leurs mots pour prendre l’air » …
Ce sont de drôles de types qui vivent de leur plume
Ou qui ne vivent pas c’est selon la saison
Ce sont de drôles de types qui traversent la brume
Avec des pas d’oiseaux sous l’aile des chansons.
Ils mettent des couleurs sur le gris des pavés
Quand ils marchent dessus ils se croient sur la mer
Ils mettent des rubans autour de l’alphabet
Et sortent dans la rue leurs mots pour prendre l’air.

Dessin : paysage à l’encre © Julie Villard