Entrée du métro. Il joue du violon. Heure de pointe. Un homme ralentit le pas et se retourne sur la Chaconne de Bach et l’Ave Maria de Schubert. Une dame lance une pièce. Un petit garçon veut s’arrêter, mais sa mère le tire par le bras. Une personne, une seule, le reconnaît. En 45 minutes, mille personnes sont passées devant lui. Fin du concert. Personne n’applaudit. Le violoniste vient de récolter 25 dollars dont un billet de 10, celui de la personne qui l’a reconnu.
Ce musicien de rue se nomme Joshua Bell, 52 ans, un des grands violonistes de la planète. Il vient de jouer dans cette bouche de métro, à une heure de pointe. Son instrument : un Stradivarius estimé à 3 millions d’euros. Hier soir, il a fait salle comble au théâtre de Boston.
Cette histoire est vraie. L’expérience était diligentée par le Washington Post un matin de janvier, il y a 12 ans, dans la capitale américaine. Il fallait mesurer, je cite : « la capacité des gens à percevoir la beauté dans un environnement commun, à une heure inappropriée, et dans un contexte inattendu ».
Si je n’ai pas le temps de m’arrêter cinq minutes pour écouter l’un des meilleurs musiciens au monde, jouant pour moi, gratuitement, les partitions les plus renommées sur un violon si précieux, à côté de combien d’autres choses magnifiques vais-je passer ?
Ma vie trépidante, robotisée, réduit mon champ de conscience et ma sensibilité à des domaines préprogrammés, planifiés, encadrés, téléchargés, sécurisés, aseptisés…
Si ce n’est pas le bon jour, ni le bon moment, ni le lieu idéal…, me condamnerai-je à passer à côté d’un violoniste qui joue pour moi ?
Écoutez !

Photo : ours blanc au Svalbard © Samuel Blanc