Vivre

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Vivre

Je suis assis sur un banc, en bonne place, celle de Victor Hugo, que les grenoblois connaissent… peut-être ! Depuis un moment, j’ai cette impression tristounette de voir passer des gens chloroformés dans leurs soucis, ennuyés, tétanisés, résignés… C’est alors que me revient, un poème de Victor Hugo, et cet alexandrin en exergue :
«…Car le plus lourd fardeau, c’est d’exister sans vivre. »
   Extrait :
« …Ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent ; ce sont
Ceux dont un dessein ferme emplit l’âme et le front.
Ceux qui d’un haut destin gravissent l’âpre cime.
Ceux qui marchent pensifs, épris d’un but sublime.
Ayant devant les yeux sans cesse, nuit et jour,
Ou quelque saint labeur ou quelque grand amour.
C’est le prophète saint prosterné devant l’arche,
C’est le travailleur, pâtre, ouvrier, patriarche.
Ceux dont le cœur est bon, ceux dont les jours sont pleins.
Ceux-là vivent, Seigneur ! Les autres, je les plains.
Car de son vague ennui le néant les enivre,
Car le plus lourd fardeau, c’est d’exister sans vivre…
Inutiles, épars, ils traînent ici-bas
Le sombre accablement d’être en ne pensant pas…
» (fin de citation).
Un banc, une place publique nommée Hugo, la puissance de son écriture. Voilà un pigeon, puis deux, puis trois… commensaux agréables bien qu’un peu envahissants, ils viennent partager les restes de mon sandwich cornichons-fromage. Vous avez raison, mon cher Victor : « le plus lourd fardeau c’est bien d’exister sans vivre ». Et je me prends à rêver de voir des gens passer, la tête haute, se faisant signe, se serrant les coudes, avec l’envie de faire sourire la journée… Le même sourire que me rend ce gamin ! Je viens de lui courir après pour lui remettre son doudou tombé de son sac. Vivre !

Photo : coucher de soleil en mer de Ross, Antarctique © Samuel Blanc

  1. Si tous les pensifs, ou plutôt les « poussifs » ou « chloroformés » qui remplissent les bancs de la place Victor Hugo pouvaient lire ce texte de V.H.!

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